
Séjour au gîte de la Châtaigneraie
Episode 7 Epilogue
« Aymeric ! Sort les flans du four s'il te plait ! »
Annabelle met les dernières touches dans le salon bleu en tapotant les coussins brodés. Dehors, le jardin est recouvert de neige. Il a fallu ravitailler le poêle en bois et une douce chaleur réconfortante emplit la pièce. Elle se retourne en entendant la porte coulissante et son mari entrer portant un plateau chargé de pâtisseries encore fumantes. Annabelle lui fait signe de les déposer sur la table basse et, voyant l'heure, se précipite dans sa chambre pour finir de se préparer. Tous ceux qui étaient là durant le séjour ont promis d'être présents pour les retrouvailles. Elle n'en a pas vu certains depuis l'été et elle veut que tout soit parfait pour qu'ils puissent passer le meilleur moment possible.
Depuis leur retour, il y avait eu du changement. Elle avait ouvert un atelier pour les retraités dans la dépendance de sa maison qu'elle a transformé en studio. Les débuts avaient été plus compliqués que prévu mais grâce à son expérience et son réseau elle avait pu mettre sur place un premier stage d'initiation à l'aquarelle et depuis la liste d'inscription ne désemplissait pas.
Une fois par semaine, des participants se retrouvent pour découvrir ou approfondir une activité artistique. Cette semaine c'était le tour de la poterie avec la venue de la prof des Empotés, qui avait encadré le cours.
Elle sourit en repensant à l'arrivée de Diego avec sa chienne qu'il venait d'adopter, un basset hound de dix ans prénommé Carmen. Il était fier de la présenter à tout le monde. Elle avait passé le cours sagement à ses pieds ronflant en toute quiétude. Annabelle était ravie de la tournure qu'avaient prise les choses, Diego venait régulièrement aux ateliers et Colette commençait à se faire à l'idée d'essayer.
Elle sortait un peu plus de sa carapace à chaque fois qu'elles se retrouvaient avec RJ, Leonora, Edith et Fatma pour aller au marché ou prendre le thé. Autrefois Annabelle aurait, de frustration, fait tout ce qui était en son pouvoir pour l'inciter à participer à un atelier mais elle avait compris que tout le monde allait à un rythme différent. C'est encore étrange pour elle de ralentir lorsqu'elles passent du temps ensemble mais elle a appris à en voir les bons côtés. La semaine prochaine, c'est Leonora qui animera le cours de chant. Ce sera le premier dans lequel les enfants sont invités à participer et cela risque d'être intéressant.
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Emmitouflée dans son long manteau en fausse fourrure et isolée du vent mordant par son afro, Leonora accélère le pas pour arriver à l'heure chez Annabelle. Elle rit intérieurement en repensant à sa stupéfaction devant la « maison » d'Annabelle qui tenait plus du manoir que du petit pavillon qu'elle avait imaginé. L'allure excentrique de son amie pouvait être trompeuse et faire oublier ses nobles origines.
Elle soupire en ressentant le pincement au cœur qui survient à chaque fois qu'elle compare sa vie à la sienne. Cela avait toujours été son rêve de vivre dans un tel lieu où toute sa famille pourrait être réunie. Ces dernières années avaient été difficiles financièrement et le fait de devoir déménager avec son mari à plusieurs heures de route de ses petits-enfants avait été un crève-cœur. C'est d'ailleurs ce qui l'avait convaincue de participer au séjour, la solitude commencer à lui peser. Elle avait pu rencontrer de nouvelles personnes et c'est pleine de confiance qu'elle avait rejoint une troupe de théâtre et de musiciens amateurs peu de temps après son retour.
Leonora avait toujours chanté mais ses parents préféraient qu'elle se concentre sur le violon et le piano, qui étaient d'après eux des instruments moins fragiles que sa voix. Elle les a écouté bien sûr et était partie à Paris, mais cela avait rapidement tourné au supplice. Sa liberté elle l'avait trouvé en apprenant sa première grossesse. Quelques mois avant la fin du cursus de formation au conservatoire, elle avait accouché de triplés. Ses parents n'étaient pas contents au début mais ils ont vite succombé aux charmes de leurs petits-enfants. A partir de cet instant elle s'était occupée d'eux et des deux autres qui étaient venues ensuite. Le temps avait passé et elle en avait presque oublié combien elle aimait chanter. Pouvoir partager sa joie autour d'elle l'a comblée.
« TUUT !!! » Leonora sursaute et se retourne pour voir Edith et Rose-Jane dans la voiture de Fatma. « Tu montes ? »
Rose-Jane et Edith sont toutes deux bien bronzées. La première revient d'un trek dans les Pyrénées et la seconde est enfin allée rendre visite à ses filles presque cinq ans après qu'elles se soient installées en Corée du Sud et en Namibie. Fatma quant à elle apprécie de pouvoir prendre du temps pour elle et de se laisser porter par un quotidien plus serein. Lorsqu'elle sonne à l'interphone du portail qui mène au garage, Edith leur parle avec excitation du voyage qu'elles organisent toutes les deux maintenant que sa cheville va mieux et que son voisin, étudiant en botanique, prend soin de ses plantes quand elle est en déplacement.
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Thérèse fait les cent pas dans son appartement, Basile est encore en retard. C'est devenu une habitude qui a pris de l'ampleur depuis qu'il s'était lancé le défi de créer un objet révolutionnaire avec son ami ingénieur à la retraite. Ils s'enferment pendant des heures dans son bureau transformé en laboratoire d'électronique. Elle lui avait répété deux fois hier soir qu'ils partiraient à treize heures et il est déjà passé la demie.
Elle est contente qu'il ait trouvé un nouveau projet stimulant. Il avait pas mal tourné en rond dans l'appartement à leur retour du séjour et cela avait commencé à lui porter sur le système. Le problème c'est qu'il perdait toute notion de temps une fois le pied posé dans son labo et il était difficile de l'en déloger.
Thérèse avait hâte de revoir tout le monde. Hortense est celle qu'elle voit le plus souvent. Elle a commencé à suivre une thérapie. L'autre jour elle avait rit en disant qu'elle ne se serait jamais imaginée aller voir un psy à son âge mais tout devenait trop difficile à gérer. Ensemble, elles ont pour projet de construire un jardin partagé. Thérèse s'est renseignée et il n'y en a aucun en ville. Hortense a aimé l'idée et elles pensent avoir trouvé le lieu idéal sur un terrain de la mairie. Il n'y a plus qu'à attendre le retour des beaux jours pour s'y mettre.
Thérèse envoie un message dans le groupe Whatsapp pour prévenir de leur retard. Les retrouvailles d'aujourd'hui ont pour but de préparer une surprise pour remercier Sophie, Wahid, Julie et Miguel qu'ils doivent revoir pour un dernier atelier dans quelques semaines. Ça s'annonce excitant !
FIN
Rédaction : Aurélie El Aïdouni